Mes débuts en peinture (2004-2005)
J’ai d’abord été une artiste du dimanche, bien que, lorsque j’étais enfant, je souhaitais devenir religieuse ou peintre. De nature curieuse, la vie m’a poussée à étudier dans divers domaines : archéologie, études classiques (grec, latin), pédagogie, arts et même administration. J’ai aussi voyagé dans ma jeunesse, surtout en solitaire : travailler à Londres, parcourir l’Espagne à vélo, visiter l’Asie, étudier en Nouvelle-Zélande, et surtout… le Costa Rica, où j’ai passé trois années de ma vie. C’est là, au cœur de la forêt tropicale, que ma passion pour l’art s’est affirmée.

Santa Elena, Monterverde, Costa Rica

Boutique du Centre d'art

Atelier du centre d'art
Un espace de création libre et instinctif
J’avais choisi Monteverde, un petit village perché dans la forêt tropicale, pour effectuer mon terrain de maîtrise. Ce village du Costa Rica était particulièrement intéressant, car les Quakers y avaient construit un institut affilié à des universités, offrant ainsi un environnement intellectuel qui me plaisait. Par-dessus tout, ils avaient créé un centre d’art communautaire où j’ai finalement passé le cœur de mes journées.
Quand on est payé 2 $ de l’heure, mieux vaut choisir quelque chose qui nous plaît… Pour moi, c’était ce centre. J’y ai commencé comme bénévole, et j’ai rapidement été cataloguée d’artiste par les gens du village.
Le centre communautaire disposait d’un atelier de céramique et d’une boutique d’artisanat local. J'y ai passé des heures sur les tours de potier, expérimentant de manière autodidacte le travail de la terre — une activité très zen et ressourssante. Chaque pièce était une surprise : les formes naissaient spontanément sous mes doigts, parfois harmonieuses, parfois imprévisibles, mais toujours porteuses d'une énergie propre.
Un jour, une artiste américaine est venue donner un cours de peinture à l’huile dans cet environnement enchanteur, où la vie en pleine nature prend tout son sens. C’est là que j’ai découvert, en me comparant aux autres, que j’avais un certain talent naturel. Loin des magasins de matériel artistique, nous avons fabriqué nos toiles à partir de matériaux environnants : bois, tissus, clous. Cette expérience m’a amenée à me questionner sur la nature même de la création — un questionnement qui s’est poursuivi à mon retour au Québec. J’ai surtout compris que la création pouvait naître du vide, et que rien ne pouvait nous empêcher de créer.
Peinture réalisée au Costa Rica. Vue du centre d’art communautaire, depuis l’atelier de céramique (2006). On y sent bien la lumière du jour, la lumière étincelante du midi.
La première vente : une porte vers l'inattendu
Le centre communautaire me permettait de pratiquer mon art, mais aussi de le vendre. J’y ai exposé mes tableaux et reçu de bons commentaires de la part d’une artiste quaker locale reconnue. J’ai également mis en vente, dans la boutique, des colliers de bois inspirés par une artiste colombienne qui vivait de son art.
Quelle ne fut pas ma surprise le jour où une cliente est passée à la caisse en tenant, dans ses mains, un de mes colliers. L’idée que quelqu’un veuille débourser 15 $ pour une de mes créations m’a secouée, foudroyée. Jusqu’alors, ma route semblait bien tracée : celle des études, du savoir structuré, du travail intellectuel. Mais en échangeant ces quelques dollars contre une création issue de mon intuition, j’ai pris conscience d’une autre possibilité. Créer n’était plus seulement une expression personnelle : c’était une force capable de toucher les autres. Et certains sont prêts à payer pour mon travail.
Les 15 dollars que j’ai reçus ce jour-là n’étaient pas une simple somme d’argent. Ils représentaient l’ouverture d’une voie que je n’avais jamais envisagée. Un autre chemin s’esquissait — un chemin que je ne voyais pas depuis le Canada, mais qui finirait par s’imposer.

2005. J’avais exposé mes premiers colliers sur un panneau de bois dans le centre d’art communautaire. La dame a acheté le collier brun, au centre.